16 Mar Le Discours de Ratisbonne : la quête de quelle raison ?
Le spécial “The Remains of Regensburg” est édité par Gabriele Palasciano. Un texte de André Gounelle.
Le 12 septembre 2006, Benoit XVI prend la parole pour une conférence ou une leçon publique à l’Université de Ratisbonne où il avait naguère enseigné. Il ne cache pas son émotion de se trouver et de s’exprimer à nouveau dans un cadre universitaire. Il entend développer une réflexion sur les relations entre raison et foi et, plus précisément, affirmer la dimension rationnelle de la foi qui donne à la théologie sa place légitime au sein de l’Université.
Joseph Ratzinger et Benoît XVI
La conférence de Ratisbonne part d’une citation d’un Empereur byzantin de la fin du quatorzième siècle qui déclare que « ne pas agir raisonnablement est contraire à la nature divine ». Selon l’habitude universitaire, cette citation est située, à vrai dire assez longuement, dans son contexte, celui d’une controverse entre chrétiens et musulmans. Comme exemple de conduite déraisonnable, l’Empereur mentionne le comportement des musulmans qui convertissent par force, ce qui est déraisonnable parce que contraire à la nature de Dieu et à celle de l’âme humaine. Entre parenthèses, les huguenots français auraient bien aimé que le catholicisme français du XVIIIème siècle professe et applique ce principe.
Les musulmans ont très mal réagi au choix de cet exemple. Ils ont estimé que le pape laissait entendre qu’existait un lien intrinsèque entre l’islam et la violence, et que, par son insistance sur la volonté première et absolue de Dieu, antérieure et supérieure à la raison, l’islam disqualifierait la rationalité (alors qu’il se veut et se déclare rationnel). Si telle était la pensée de l’Empereur byzantin, ce qui est bien possible, Benoît XVI/Ratzinger ne la fait pas sienne ; il relève « l’étonnante brusquerie » du propos qui, dit-il, est pour nous « inacceptable ». Comme il le rappelle en réponse aux protestations musulmanes (en particulier à la lettre des Oulémas, publiée en octobre 2016), il se contente de citer et de cette citation il ne retient ensuite qu’un seul élément, à savoir que ce qui va contre la raison va contre Dieu. On peut toutefois s’interroger. Dans la littérature chrétienne, on trouve de nombreux textes d’auteurs théologiquement plus prestigieux que cet Empereur qui affirment l’accord fondamental de la foi et de la raison sans aucune allusion à l’islam. Pourquoi aller chercher cette citation-là ? Est-ce simplement, comme il le dit, la reprise par Joseph Ratzinger d’une lecture récente ? Ou est-ce un signe amical que fait Benoît XVI aux orthodoxes grecs en citant un byzantin ? Ou bien le pape a-t-il voulu indiquer que le terrorisme islamiste qui ne cesse de se développer, a une source théologico-philosophique ? […]