
09 Mar Donner écho au Discours de Ratisbonne du Pape Benoît XVI
Le spécial “The Remains of Regensburg” est édité par Gabriele Palasciano. Un texte de Claire Clivaz.
Ce n’est pas sans «crainte et tremblement» (Ph 2,12) que je relève le défi de réagir au Discours de Ratisbonne de Benoît XVI. En effet, trait sans doute typique d’une posture protestante, on peut être bibliste réformée de métier, et découvrir, à l’occasion de cette demande, ce discours que je n’avais jamais lu auparavant. Etrangeté pour étrangeté, je choisis donc d’y répondre sans tenir compte des commentaires précédants de ce texte, en le lisant dix ans plus tard depuis les préoccupations et les tâches qui sont les miennes : je mène des recherches à la croisée du Nouveau Testament et de la culture digitale, à l’Institut Suisse de Bioinformatique, une identité professionnelle symbole même d’un monde en mutation.
Les dix dernières années, marquées par d’incessants déchaînements de violence d’une part, et d’autre part par la diminution des lieux académiques de formation théologique en Europe, n’ont fait que rendre plus urgente la thématique abordée par le pape, concilier raison et religion. Je ne peux que m’unir à son désir ardent que nous devenions «capables d’un véritable dialogue des cultures et des religions, dont nous avons un besoin si urgent». J’en appelle avec Benoît XVI au «courage de s’ouvrir à l’ampleur de la raison et non de nier sa grandeur», comme «programme qu’une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent».
La poursuite de ces deux buts requiert des voix catholiques et protestantes qu’elles s’accordent à reconnaître l’importance de l’analogie, que cela soit l’analogia entis où les dissimilitudes demeurent infiniment plus grandes que les similitudes, comme le rappelle Benoît XVI avec le Concile du Latran en 1215, ou que cela soit l’analogia fidei, l’analogie de la foi chère à Calvin, qu’il mettait en œuvre dans sa lecture des Ecritures, en résistant à toute tentation puriste de canon dans le canon. Dans cette méditation des analogies se tient l’audace confiante de pouvoir penser la rencontre entre «l’esprit créateur éternel [de Dieu] et notre raison créée», selon les termes du discours. C’est ce qui permet à la foi de se laisser penser dans le cadre académique théologique. […]