
28 Feb Le discours de Ratisbonne: la foi dans l’Université
Le spécial “The Remains of Regensburg” est édité par Gabriele Palasciano. Un texte de François Nault*.
D’entrée de jeu, je dois confesser avoir été surpris par l’ampleur des controverses qui ont entouré le discours de Ratisbonne de septembre 2006, un discours qui constitue à mes yeux l’un des legs les plus précieux que l’on doit au pape Benoît XVI. Alors même que j’hésiterais à endosser l’ensemble de ce que le Pape-théologien avance et que je serais même tenté de m’opposer à l’une ou l’autre de ses propositions, je considère le discours de Ratisbonne comme un exposé subtil, brillant et même, à plusieurs égards, tout à fait remarquable. C’est pourquoi je suis d’avis qu’il faut rendre hommage à l’auteur de ce discours et saluer la finesse de la réflexion théologique qu’il y déploie, et non pas lui tenir rigueur pour les réactions négatives que ses propos ont suscitées, autant dans le monde musulman que dans le monde de la diplomatie ecclésiastique.
À ma connaissance, le Pape Benoît XVI n’a pas cru nécessaire de faire marche arrière et de se livrer à une autocritique. Avec tact et sensibilité, il est plutôt revenu sur la fameuse citation de l’empereur Manuel II Paléologue, qui a tant soulevé les passions, et a déploré que cette citation ait pu être considérée comme une expression de sa position personnelle. C’est cette méprise qui a « suscité une indignation compréhensible », écrit le Pape dans une note qui a été ajoutée au Discours et qui lui a fourni l’occasion de préciser que la phrase de l’Empereur n’exprimait pas son propre jugement sur le Coran, envers lequel il dit avoir « le respect dû au livre sacré d’une grande religion ». Une telle précision était assurément la bienvenue et même nécessaire dans le contexte des polémiques suscitées par le Discours de Ratisbonne, mais je la tiens pour superfétatoire si l’on s’en tient au discours lui-même, qui est sur ce point parfaitement limpide, me semble-t-il, et ne recèle aucune ambiguïté. Si l’on suit la logique argumentative de Benoît XVI, il est évident que la citation sert à apporter un éclairage sur le thème général de sa conférence, à savoir la question du rapport entre la foi et la raison. Le Pape-théologien a recours au procédé de la citation, en parfaite conformité à son usage universitaire – usage que Benoît connaît évidemment très bien, pour avoir œuvré dans plusieurs universités (Freising, Bonn, Tübingen) – face à un auditoire universitaire habilité à décoder le type d’argumentation ainsi mis de l’avant. […]
*François Nault est professeur de théologie fondamentale à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec, Canada). Il est marié et père de quatre enfants. Parmi ses ouvrages, soulignons: L’Évangile de la paresse (Médiaspaul, 2016); Petite introduction athéologique à la théologie (Médiaspaul, 2013); Plus d’une voix : Jacques Derrida et la question théologico-politique(avec J. Julien, Cerf/Médiaspaul, 2011); Le lavement des pieds : un asacrement (Médiaspaul, 2010).