03 Mar Dix ans après le Discours de Ratisbonne
Le spécial “The Remains of Regensburg” est édité par Gabriele Palasciano. Un texte de Geneviève Comeau.
Je ne traiterai pas dans ce texte de la rencontre entre la foi biblique et la pensée grecque – ce qui était en fait l’essentiel de la conférence de Benoît XVI à Ratisbonne le 12 septembre 2006. Je vais me limiter à un aspect mineur de la conférence : ce qui est dit de l’islam – et qui a en fait suscité de vives réactions dans les milieux musulmans, assurant ainsi la célébrité du « Discours de Ratisbonne ».
La demande de cet article m’est parvenue quelques jours après les attentats à Paris du 13 novembre 2015. A la suite de ces attentats, toutes sortes d’articles ont été publiés dans les media et les réseaux sociaux, pour commenter les liens (ou s’interroger sur les liens) que ces terroristes avaient avec l’islam. Divers points de vue se sont exprimés. Relisant dans ce contexte douloureux la conférence de Ratisbonne, je n’ai pu m’empêcher de trouver le passage sur l’islam, au début de la conférence, bien inoffensif ! Pourquoi donc ces quelques phrases, qui ne forment pas du tout le cœur du texte de Benoît XVI, ont-elles déchainé une telle colère ?
Le journal Le Monde, à l’époque, expliquait ainsi les protestations du monde musulman : « Citant des propos vieux de six siècles, Benoît XVI perpétue ainsi l’image d’un islam qui ne condamnerait pas assez nettement la violence au nom de la foi et qui, à la différence du christianisme – qui a bénéficié de l’héritage de la philosophie grecque, de saint Augustin et de Thomas d’Aquin – n’aurait jamais acquis les instruments de la raison et de la modernité. »
L’honnêteté intellectuelle m’oblige à préciser que ce n’est pas ce qu’a dit Benoît XVI ! Il cite certes un dialogue du XIVème siècle entre l’empereur byzantin Manuel II Paléologue et un savant persan, parce qu’il vient de le lire dans une édition récente. Il montre qu’il connaît la sourate 2,256 « Pas de contrainte en religion », ainsi que d’autres sourates plus récentes et moins pacifiques (sans doute connaît-il aussi le principe de l’abrogeant et de l’abrogé, diversement interprété dans le monde musulman). Il en arrive alors à l’argumentation de l’empereur : répandre la foi par la contrainte est absurde, il vaut mieux faire appel à la raison, car foi et raison ont partie liée.
En fait, ce passage lui sert d’introduction pour sa réflexion sur le lien entre foi et raison (héritage grec) dans le christianisme. […]